La différence suite

Publié le par Killashandra

Bonjour,

Je vais vous présenter un extrait d'un bouquin de Pierre Lamy, "Frères humains qui après nous vivez", qui illustre mieux que je ne saurais le faire, ce que je ressens au sujet du rejet de la différence.

Ce livre est constitué de récits de 4 amis qui se sont retrouvés dans les camps de concentration, pendant la dernière guerre mondiale. Evidemment, ça ne date pas d'hier, mais c'est toujours parfaitement d'actualité. Pour rappel : 26 millions de morts, dont "seulement" 6 millions de juifs.

L'extrait prend place lors d'une scéance de répétition d'une pièce de théâtre, dans les années 60. Un comédien râle contre un autre :

""Quel enculé, ce pédé ! Il n'y a pas moyen de jouer avec ça !"
Du fond, là-bas, Léon hurle :
"Je savais pas que t'engageais des nazis. Qu'est-ce que t'attends pour virer ce SS à la mie de pain. On en a assez de ces polichinelles de l'ordre Noir qui ont martyrisé des centaines de milliers d'homosexuels. Ce connard, comme tous ceux qui ont une petite bite, doit faire de la gonflette pour compenser son vermicelle de contrebande ... !
- Dites-donc, vous ? Qu'est-ce qui vous prend ? Vous voulez que je vous casse la gueule ?
- Mon gros chéri, à mon âge, on ne se bagarre plus. On tue. J'ai toujours un pétard sur moi. Assieds-toi sur la scène et écoute-moi, sinon je te plombe.
- Mais enfin... ?
- Fais ce qu'il te dit."
Il m'obéit et s'assied maladroitement. Ameutés, comédiens et techniciens arrivent doucement, un par un, dans la salle, ou viennent au bord des coulisses pour apercevoir l'énergumène. Léon est arrivé près de la rampe.
"Ecoute-moi. Personne à Paris n'aime plus le théâtre que moi. Il faut vous dire que j'ai été coincé pendant deux ans, nuit et jour, dans une dramaturgie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer : j'étais en camp d'extermination pour tout dire.
Il y avait là une belle distribution : des hommes noirs à casquette tête de mort, des gardiens noirs casqués, premiers rôles. Seconds rôles, des criminels de droit commun, ceux-là, verts. Figuration : une foule en costume rayé, divisée en catégories précises, des rouges, des violets, des bleus, des bruns, des noirs, des jaunes, et des roses. Ces deux dernières étaient particulièrement vouées aux coups de bâtons, ce qui fait toujours rire, n'est-ce pas ? T'as compris, bouffi, c'était les youpins, l'étoile de David sur le buffet, les homos, les triangles roses.
Tu dois savoir, même si t'as l'air surptout préoccupé de ta petite personne, que les camps étaient les mouroirs de l'enfer... Et bien tu vois, mon gros, tout ça n'était rien auprès du martyre permanent des homosexuels. Expériences médicales ? On prend les homosexuels ! On crée un champ de tir ? On y fait courir ces sales pédés et on canarde ! Les mecs balaises, les "normaux" dans ton genre ont les couilles gonflées ? On les encule, ces ordures, il sont faits pour ça ! Les autres déportés, souvent, leur tapaient sur la gueule pour se faire sucer.
On avait un chef suprême qui s'en flinguait un, matin et soir. Quand il était bourré, il en faisait supplicier un. Il sortait sa queue, se branlait comme si on n'existait pas, éjaculait, et s'en allait avant que l'enculé de pédé, comme tu dis, mon joli, soit complètement crevé. On les a tabassés, on a bouffé leur part. Dans les carrières de roche ou d'argile, où ça mourait comme des mouches, les homos ! A part les triangles roses, quels étaient les comportements de ces milliers d'hommes internés sinon des agissements homosexuels ?
Moi, mon mignon, je me suis battu contre la morale nazie, contre celle à Pétain pour qu'on puisse être hétéro, homo, en toute liberté, et en tout honneur ! En d'autres temps, je t'aurais buté, tu vois pourquoi ? T'avais vingt ans en 1944 ? Je sais pas ce que t'as fait à l'époque, mais si les nazis reprennent le dessus et ils sont partout, tu peux t'engager tout de suite.
Moi j'ai toujours été pour les maudits parmi les maudits. Les nazis ont tué deux millions d'Allemands homosexuels. Ils s'en foutaient de leurs amours, mais les "roses" commettaient le plus grand de tous les crimes contre le Reich : ils ne faisaient pas d'enfants pour la boucherie et l'invasion du monde.
Qui sait ? Toi, comédien, aux petits soins de ton propre corps, toi que je vois à chaque répète couvrir de bisous garçons et filles, ils t'auraient certainement classé triangle rose. Après, ils auraient vérifié.
On t'aurait accompagné au bordel du camp pour te guérir ou pour t'éliminer. Je vais te dire comment c'était. Trente cellules de chaque côté d'un large couloir. On te regarde la queue, que peut-être tu serais juif, en plus ! On t'injecte du permanganate dans la verge. On ouvre une des soixante portes. Là, gît sur un grabat une déportée, cuisses ouvertes. Est-ce que tu vas bander ? Est-ce que tu vas la sauter pendant que le SS se penche pour voir si tu triches pas ? Elle aura beau crier :
"Mais fais-le, fais-le, ou c'est moi qui vais y passer."
Tu n'y arriveras pas. Alors, mon mignon, t'es foutu. Non seulement t'es une pédale, mais t'es impuissant. Où est le temps des anciens Germains que regrettait Himmler, quand on noyait les tarés dans les marécages ?
Toi, on t'emmène dans l'antichambre du crématoire, on te déshabille, on marque ton matricule sur ton torse, pour la comptabilité des "sortants". Tu sais que tu vas y passer. Et l'autre salaud s'amène avec sa seringue d'essence pour te la planter dans le coeur...
Aujourd'hui quand une association de déportés, quand les Anciennes du camp X, refusent de rendre hommage aux homosexuels, ou à celles qu'on a forcées à se prostituer et qui sont restés dans les charniers, je soutiens que ces survivants-là n'ont pas le droit de dire qu'ils ont lutté pour la liberté !
N'oublie pas, coco, il y a quelques siècles on t'aurait brûlé vif ou jeté à la fosse commune. Alors : "Damnés de tous les pays, unissez-vous.""
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J
Un vrai prophète de l'ordre noir
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